Les Açores – La Rochelle

Nous sommes enfin prêt à partir. Nous avions convenu 10h, il est 11h ce 20 juillet lorsque nous quittons le ponton de la capitainerie d’Angra de Heroismo après avoir refait les pleins de gazoil. Mariposa nous largue les amarres avant de partir à leur tour. Cette fois les amis, c’est la vrai de vrai ! Nous ne savons pas quand nous nous reverrons et si nos routes serons communes très longtemps pour ce retour. Difficiles embrassades car le voyage sans ces rencontres aurait eu une toute autre saveur. Partir s’était bien, l’aventure avec eux, c’était mieux ! Nous pensons à tout ces amis rencontrés, croisés, toutes ces nouvelles têtes avec qui nous partageons désormais des souvenir communs… Un voilier, c’est vraiment une machine à souvenirs ! Et quels souvenirs !!!

Il faut aller de l’avant, partir toujours, quitter ces paradis où l’on s’endormirait bien encore un peu. L’avenir est incertain, c’est ce qui le rend passionnant ! Premier objectif, passer le Gascogne et ramener l’équipage à la maison. L’exercice risque d’être rythmé puisque les prévisions nous laissent entrevoir trois passages de dépressions. Celle-ci doivent passer au nord de notre route suivent un axe Sud-ouest/Nord-est et donc nous générer un vent portant de Sud-ouest : l’ascenseur pour La Rochelle ! Si l’anticyclone remonte trop vite, c’est la pétole qui nous attend, si les dépressions descendent trop bas, c’est un peu de sport, voir un peu de près…

Nous avions fixé une arrivée le samedi 1er août sur la Rochelle pour que nos amis et familles puissent nous accueillir, nous gardons cet objectif en tête.

Départ donc d’Angra au moteur sous voiles car l’île nous masque un peu. Quelques pêcheurs, quelques dauphins, un dernier échange vhf avec Eoliane qui partira le lendemain de Praia de Vitoria et nous voilà en mode navigation… Nous touchons un peu d’air en milieu d’après-midi et Méléos file sagement cap La Rochelle avec Mariposa en arrière légèrement au vent. La routine s’installe et chacun vaque à ses occupations, lecture, musique, sieste… Nous préparons le diner quand tout à coup, Cléo annonce un cachalot sur tribord ! Tout le monde vient sur le pont et nous admirons un petit cachalot de 3m environ, mais très vite, panique à bord ! Il vient vers nous, nous a-t-il vu ? Je reprends la barre au pilote automatique et donne un coup franc sur babord, le cachalot fait un volte-face et sonde à 1 mètre du bateau… Gloups ! Ils sont où ses parents à celui-là ! On scrute l’horizon : rien, ils doivent être en plongée… Nous dînons, encore sous le coup de l’émotion et pas trop rassurés. Nous racontons notre aventure à Mariposa par VHF, la veille renforcée sera nécessaire cette nuit…

Eléa commence avec moi un quart Tex-Avery, écourté pour surveiller et écouter s’il y a des souffles… Le vent tombe et nous mettons le moteur dans la nuit, le vent revient juste avant le quart de Marine. En fin de quart, c’est Cléo qui s’y colle, premier quart vraiment seule… Le vent rentre un peu, avec un angle intéressant pour le spi asymétrique. Nous l’envoyons donc au petit matin mais pas longtemps puisque le vent retombe moins d’une heure après l’envoi… Re-moteur… Journée compliquée puisque le vent joue l’arlésienne. Nous alternons voiles et moteur pour tenter de maintenir une vitesse minimale de 3,5 noeuds… pas glorieux, mais c’est Eole qui décide. Nouvelle prise de quart le soir et nous apercevons à nouveau avec Eléa un groupe de cachalots entre nous et Mariposa…

Le moteur nous accompagne toute la nuit et c’est au petit matin que nous pouvons remettre le génois alors que quatre grands dauphins nous accompagnent à l’étrave. La première dépression (Nous l’avons appelé D1) nous gratifie d’un vent portant maniable et très peu de mer. Nous filons bon train à présent et tentons de respecter les waypoints de Daniel afin d’éviter d’avoir trop de vent. Pas facile au vent arrière… Ca se complique sérieusement en fin de journée et pendant la nuit. Nous naviguons avec 20 à 35 noeuds de vent avec une houle et des vagues de 2m. Le tout est maniable mais nous n’avons plus l’habitude des quarts à 2… Eric, tu es où ? La couverture nuageuse est proche des 100% et nous avons perdu le visuel et la portée vhf avec Mariposa pendant la nuit. Cette fois c’est cuit, ils vont faire une route plus nord que nous pour aller vers St Cast le Guildo… Navigation un peu stressant mais nous filons à 6/8 noeuds route directe sous grand-voile à 1 ris et trinquette. Rajoutez à cela Maxsea (notre logiciel de navigation) qui plante et la journée est complète !
La dépression D1 passe vite et nous laisse une houle et pétole dans son sillage. Notre efficacité au moteur n’est pas terrible car nous avons un léger vent de face. Nous roulons un peu, Eléa n’aime toujours pas la houle, mais nous pouvons malgré tout nous reposer en attendant D2… Nous échangeons comme d’habitude des mails via l’Iridium avec Rock-Racer qui navigue plus en arrière. Les 4 marins du bord ont juste oublié de faire le plein de gaz avant de partir … Ils vont manger froid pendant une semaine. C’est bête on en a plein du gaz ! Mais ils sont une journée de mer derrière nous et nous ne pouvons nous permettre de les attendre…
D2 arrive comme prévu là où Daniel nous l’avait indiqué, nous sommes le 25 juillet et le temps se rafraîchit franchement, les cirés sont devenus obligatoires ! Ca caille ! On n’avait plus l’habitude… La mer est belle malgré le ciel gris et la houle et depuis minuit, nous filons entre 6/8 noeuds. La bruine nous rejoint en soirée et rend la nuit froide et humide. Le bateau se comporte à merveille mais il n’est pas facile d’avoir un sommeil lourd quand nous partons en surf sur la houle. De jour c’est magnifique, la nuit un peu flippant ! Cela-dit, aucune embardée, le pilote gère un max ! Nous parcourons plus de 140 milles en 24H, on est content, ça nous rapproche bien mais côté confort… Nous venons de passer la latitude du cap Finisterre et allons rentrer pour de vrai dans le golf de de Gascogne…

Côté pêche, c’est le désert ! On porte d’ailleurs réclamation contre Anao, parti une semaine avant nous : c’est bien simple, ils ont tout pris, 2 coryphènes, 2 thons et un espadon… Ah ces gaulois ! Qu’est-ce qu’on donnerait pour ne serait-ce qu’une touche…
Mariposa, plus au nord, doit composer avec du vent plus fort, jusqu’à 45 noeuds … Courage les amis !
D2 passe et nous laisse comme D1 une mer formée et une houle conséquente de 3m. La baisse du vent fait rouler Méléos. Moins de stress mais cela reste inconfortable. Mariposa nous informe d’une panne de pilote, on connait, on compatit ! Grosse densité de cargos en sortie du rail de finisterre, forcément, on le traverse de nuit… Vive l’AIS (transpondeur anti-collision), je joue une bonne demi-heure avec un pétrolier de 300m faisant route de collision, l’AIS m’annonce qu’il va passer à 0.2M, soit 360m, si il se trompe, je me fais découper… A ce jeu là, je ne joue point… 40° de lof pour le laisser nous longer à 0.4M. Même à 700m, il est impressionnant !
D3, qui devait s’évacuer vers le nord, décide finalement d’obliquer vers le sud ! Zut, pile sur nous, du coup l’accalmie s’écourte et Daniel nous promet du 24 noeuds « grib » soit une possibilité d’avoir 50 nœuds de vent réel… Ca, ça n’était pas prévu… Ce 27 juillet, nous préparons Méléos pour affronter du lourd. Grand-voile à 3 ris et trinquette. Le vent monte vers 6 heures TU, nous sommes à 180° du vent, donc plein vent arrière avec trinquette tangonée, babord amures. Le vent monte encore dans la journée et nous enregistrons une pointe à 48 noeuds de vent apparent alors que Méléos fonce à 9 noeuds en surfs… Petit calcul rapide : 48 + 9, c’est que ça nous fait du 57 noeuds ça ! Pointe à 12 noeuds pour Méléos sur Maxsea (que nous avons finalement retrouvé grâce au support technique) ! Le vent redescend progressivement à 25 noeuds vers 15h TU : un grand ouf de soulagement !!!
Le vent tombe enfin et nous pouvons profiter de ces dernières journées. Le 29 à 17h00 TU, il ne nous reste plus que 115 milles à parcourir, une formalité quoi (1300 milles depuis Terciera) ! La dernière nuit est magique pour mon quart. Nous gardons toute la toile avec un angle à 60° du vent et 22/25 noeuds. Méléos galope sur une houle atténuée et de travers. Malheureusement le vent tourne de 90° peu après la prise de quart de Marine et nous voyons notre route directe vers la Rochelle se transformer en route directe vers … Bordeaux…
Nous décidons d’attendre le retour à la normale (vent prévu de Nord-ouest) mais cela n’arrive pas et nous apercevons au petit matin la forêt de la Coubre avant d’apercevoir Oléron. Il nous faut à présent longer l’île au près pour entrer dans le pertuis d’Antioche. Nous sommes le 30 et espérons pouvoir poser notre ancre au pied de l’île de Ré avant la nuit. Nous captons enfin du réseau téléphonique et appelons nos familles pour les prévenir même si ils nous suivent depuis un moment via L’AIS. La remontée le long d’Oléron est laborieuse car nous sommes contre le vent et le courant. Nous captons depuis le matin le canal 16 de la VHF et sommes affligés des messages de détresse émis par des utilisateurs de la mer peu responsables. Le plus idiot du jour : 6 personnes sur un semi-rigide qui éventrent leur bateau sur les parcs à huitres, demandent assistance immédiate car voie d’eau et enfant de 6 ans à bord… Fin de l’histoire, ils seront hélitreuillés car trop dangereux pour les autres embarcations de leur venir en aide tant que la marée est basse… pathétique.

Nous mouillons enfin devant l’île de Ré vers 21h. Nous dînons de maquereaux en papillotes pêchés au large du phare de Chassiron et de pommes de terre au four. Ce jeudi soir, nous allons pouvoir souffler un bon coup avant de pointer l’étrave de Méléos dans le port de La Rochelle samedi matin. Nous en avons bien besoin !
Quelle nuit ! Ca ne bouge pas, ou si peu. Le flux et reflux des marées crée un peu de remous mais trois fois rien pour nos organismes éprouvés. Nous mettons à profit cette journée du vendredi pour ranger Méléos et faire bonne figure le lendemain. Surprise du jour, nous attendons Baobab Express pour un apéro à couple au mouillage. Catherine, Eric, Antoine (le frère de Marine) et Lionel nous rejoignent au bénéfice d’un petit vent à bord. Quelles belles photos ! Quel apéro, au ti’punch bien sûr ! Premières retrouvailles magiques avant le comité d’accueil…

Une dernière nuit à bord. Tout est toujours aussi calme. Nous préparons au petit matin le grand pavois composé des drapeaux des îles que nous avons visitées. Nous levons l’ancre vers 9h pour une rentrée au port sous les hourras à 10h30. Tous les voiliers sortent du port pour profiter d’une belle journée en mer, nous, nous rentrons, à contre-courant, pour clore cette aventure familiale tellement riche, tellement différente, et retrouver avec plaisir toutes celles et ceux qui nous auront fait l’honneur de leur présence. C’est le moment de mettre le pied sur le continent, le temps passe vite. « Emportés par la foule », nous n’avons pas le temps de comprendre que c’est fini. Nous avons réalisé notre rêve, il va falloir à présent en inventer d’autres !

 

PS : Merci à tous ceux qui ont pu venir lors de cette arrivée et une grosse pensée amicale pour les absents qui nous ont envoyé tant de messages. Nous n’avons pas eu le temps de discuter suffisamment avec tout le monde mais ce n’est que partie remise ! Merci également aux cuisiniers et cuisinières pour le buffet. Une grosse bise spéciale pour Vava qui nous attendait sagement et que nous avions hâte de retrouver !

Commentaires (7)

  1. Mignonneau

    Seb, Marine bravo pour cette superbe aventure et pour nous avoir fait partagé autant de paysages , emotions et images
    Avec grand plaisir de faire l’apero à Laleu
    Laurent et caro

  2. Roger et Claudine

    Encore une fois ,nous avons pris beaucoup de plaisir à vous lire .Vos écritures vont nous manquer .A quand vos prochaines aventures!…. Merci mille fois de nous avoir fait rêver . Bon courage pour la suite .Grand bravo à vous quatre. Nous vous embrassons.

  3. Les Hannequin

    Quel beau périple, merci de nous avoir fait partager votre magnifique voyage. Bon retour parmi nous et au plaisir de vous revoir prochainement. Bises de nous 5

  4. laurence Kimmel

    Magnifique récit du retour, on sent votre nostalgie et votre joie mêlées ! J’ai lu à Michel qui cuisine (avec des larmes aux yeux en imaginant votre arrivée)! Merci de nous avoir fait rêver et oui, inventez vite d’autres rêves, on n’est pas inquiets. Bises des Kim’s

  5. Marion

    Quelle belle aventure vous nous avez permis de suivre !!!! Bravo pour votre courage !!!! A très bientôt. De grosses bises de nous 5. Marion Cédric et les filles

  6. Noelle

    Trop triste que cela se termine.
    Belle aventure qui nous a bien captivé.
    Et chapeau bas pour votre courage.
    Bises

  7. matiselie

    Votre voyage a été magnifique et je ne sais pas si des larmes ont alimenté l’océan, mais pour moi, cela n’était pas loin. Nous sommes tres heureux pour vous quatre. Nous vous félicitons. Dites nous où et quand serez vous ces prochaines semaines.
    Nous vous embrassons.
    emaf

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